Paris, le 24 janvier 2025
Le groupe Premium, qui a remanié sa direction, affûte sa stratégie en gestion de fortune et lorgne sur l’international. Olivier Farouz, son président, érige par ailleurs en priorité pour 2025 le développement d’une société de gestion immobilière.
L’Argus de l’assurance : Le groupe Premium a réorganisé sa gouvernance en nommant deux directeurs généraux délégués et une directrice générale adjointe. Pourquoi cette évolution ?
Olivier Farouz : La gouvernance du groupe, organisée depuis l’été 2023 entre Nicolas Schimel (ex-DG d’Aviva France, NDLR) et moi-même, était trop légère. Il fallait la renforcer. C’est désormais chose faite avec la nomination de trois directeurs généraux. L’arrivée de Jean-François Garin, figure très connue du secteur qui a passé vingt ans chez Axa, puis dix ans au sein de Groupama Gan Vie, est une fierté. Elle assied forcément notre crédibilité auprès des assureurs. En parallèle, nous avons aussi fait jouer la promotion interne, car la méritocratie m’importe beaucoup. Didier Zerbib est donc devenu directeur général délégué, et Marie Artaud Dewitte occupe dorénavant le poste de directrice générale adjointe. Nicolas Schimel reste à notre board.
Je ne pouvais pas espérer mieux comme état-major : nos profils se complètent à merveille ! Si je suis instinctif avec une vision business, Jean-François Garin apporte sa réussite en matière de distribution, Didier Zerbib est un opérationnel, et Marie Artaud Dewitte est la gardienne du temple, maîtrisant parfaitement les enjeux et les risques de nos métiers.
Le rachat du family office Agami a marqué les esprits. Quels sont vos objectifs dans la gestion de fortune ?
Le choix des acquisitions se fait au regard de notre objectif de servir toutes les catégories de clientèle : du mass affluent, via nos filiales Predictis et Capfinances, jusqu’aux très grandes fortunes avec Leone Kapital, en passant par les patrimoines intermédiaires, servis par nos différents cabinets de CGP. En plus de Leone Kapital, dont le ticket moyen par client atteint 40 M€, l’acquisition d’Agami permet de renforcer le pôle family office. De même, nous avions besoin d’accentuer notre présence dans l’Est, d’où le rachat d’Haenggi & Associés, un cabinet de CGP dont l’encours sous gestion atteint 500 M€.
Nous n’allons pas nous arrêter là. Notre développement continuera de se faire à la fois par des acquisitions en direct, mais aussi indirectement, grâce aux rachats de plus petites structures réalisés par nos cabinets de CGP référents.
Cette stratégie de croissance externe a-t-elle porté ses fruits en termes de collecte ?
À 2,646 Md€, la collecte avait été exceptionnelle en 2023. En 2024, à périmètre constant, c’est-à-dire sans prendre en compte les acquisitions réalisées au cours de l’année, elle excède 3,8 Md€. Cette progression en organique de 46 % en un an constitue, et de très loin, la plus importante augmentation du marché. Nos encours sous gestion atteignent quant à eux 13 Md€, pour un Ebitda en croissance de 25 %.
Êtes-vous à la recherche de nouveaux partenaires porteurs de risque ?
Nous travaillons avec quatre grands partenaires historiques, à savoir Swiss Life, Abeille Vie, Groupama Gan Vie et AG2R La Mondiale. En parallèle, nous comptons une cinquantaine de partenaires CGP de taille plus petite. Cette année, nous allons veiller à équilibrer la production pour éviter d’avoir un assureur partenaire trop prépondérant. Il n’est d’ailleurs pas impossible qu’un cinquième grand porteur de risque rejoigne notre écosystème.
Quels sont vos projets prioritaires pour 2025 ?
Ma priorité essentielle concerne la société de gestion immobilière que nous sommes en train de monter. Elle constituera une part importante de l’activité du groupe à moyen terme. Le timing est le meilleur pour lancer cette activité : nous partons d’un point bas, et le marché est là, car les Français adorent l’immobilier. Je suis certain que cette société de gestion atteindra en quelques années un milliard d’euros sous gestion et rattrapera rapidement l’activité gestion d’actifs, dont l’encours représente 3,3 Md€.
Quelle forme prendra cette nouvelle activité ?
Il est trop tôt pour le dire. Une acquisition est envisageable, tout autant que la création à partir de rien, d’une nouvelle société.
Vous annoncez vouloir devenir un acteur européen. Ce projet avance-t-il ?
Je le redis, l’internationalisation demeure une priorité pour le groupe. Nous travaillons sur un projet d’acquisition d’une société de gestion de patrimoine en Italie qui, s’il aboutit, devrait être bouclé au premier trimestre. Cela nous permettrait non seulement de nous ouvrir les portes d’un marché voisin, mais également de gérer des futures acquisitions sur place via cette structure.
Pourquoi miser sur l’Italie, où le marché de l’épargne a souffert ces dernières années, concurrencé par les bons du Trésor nationaux ?
J’ai concentré mon analyse sur trois pays européens où des dizaines de cibles ont été étudiées : l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne. Le marché espagnol est compliqué en ce moment, tandis que le marché allemand est plus mature, avec beaucoup de grands acteurs déjà bien positionnés. L’Italie, en revanche, accuse un net retard sur les produits d’épargne, ce qui constitue une opportunité pour nous. À plus moyen terme, nous ferons des tests pour nous développer dans différents pays, en passant par des acquisitions ou en montant notre propre entreprise.
Quels produits comptez-vous commercialiser à l’étranger ?
Les produits d’épargne, d’assurance vie, et plus particulièrement le plan épargne retraite (PER), pourront trouver leur place. Le PER, produit extrêmement bien conçu, fonctionne très bien auprès de la clientèle patrimoniale. Je milite d’ailleurs pour une harmonisation des produits d’épargne dans l’Union européenne, sur le modèle du PER à la française. Mais pour véritablement se battre avec les mêmes armes, il faudrait aussi une unité dans les réglementations, et la manière dont les autorités de contrôle et de tutelle les appliquent. La France, très bonne élève en la matière, pourrait servir de référence.
L’activité de courtage en assurance demeure-t-elle une priorité pour Premium ?
Bien sûr. Notre réseau de courtage en France représente une part importante de notre chiffre d’affaires et de notre rémunération. Son développement et le renforcement du maillage territorial est donc une priorité. L’objectif est de passer de 1 300 mandataires d’intermédiaires en assurance (MIA) actuellement à 3 000 d’ici à quelques années. Autre chantier à moyen terme : monter notre propre « usine » en capital investissement, un axe sur lequel nous devons accélérer.
Craignez-vous que les incertitudes géopolitiques et l’instabilité française freinent vos ambitions ?
Les enjeux mondiaux sont énormes. Entre la réélection de Donald Trump aux États-Unis, la poursuite de la guerre en Ukraine, le nouveau régime en Syrie qui risque de déstabiliser toute la région, les lignes bougent beaucoup. Cela va forcément induire des soubresauts sur les marchés financiers et donc, par ricochet, créer des opportunités. En revanche, l’instabilité politique en France ne pousse pas à l’optimisme, y compris pour le business.